La phytothérapie pour arbres fruitiers (1ère partie)

Les préparations à base de plantes sont une alternative très intéressante pour prendre soin de ses arbres fruitiers. Elles permettent de se passer, au moins en partie, des biocides chimiques qui sont pour beaucoup néfastes aux écosystèmes et aux utilisateurs de ces produits.

Pourquoi soigner les plantes par les plantes ?

Le problème essentiel concernant les biocides chimiques est leur rémanence : ils ne sont pas biodégradables, leur durée de vie est longue et ils s’accumulent dans les écosystèmes. De plus, ils occupent dans les plantes, au niveau des vacuoles cellulaires, la place potentielle de métabolites secondaires naturels impliqués dans des processus de défense contre les pathogènes et dans la communication entre individus.

L’extrait fermenté de consoude favorise l’induction florale, la croissance des fruits et épaissit la cuticule foliaire. C’est un fertilisant riche en potasse, oligoéléments, vitamines, minéraux directement assimilables par la plante. Il diminue l’évapotranspiration, utile en cas de sécheresse. En arrosage au sol, il stimule le microbiote du sol.

Les préparations dites naturelles sont au contraire reconnues par le vivant et rapidement dégradées par les écosystèmes. Outre cette caractéristique fondamentale, les avantages de ces préparations sont nombreux :

  •    elles sont susceptibles de prévenir ou de guérir la plupart des maux des arbres fruitiers ;
  •    leur composition étant complexe (nombreuses molécules actives de types variés), ils ne facilitent pas l’acquisition de résistances de la part des ravageurs ;
  •    elles peuvent être préparées facilement à partir d’ingrédients simples ;
  •    elles peuvent remplir plusieurs fonctions (désherbant, anti-germinatif, phyto-stimulant, bio-stimulant du sol, engrais, fongicide, bactéricide, insectifuge ou insecticide) de façon simultanée ou différenciée selon le type d’extraction (infusion, décoction, fermentation) et en fonction de leur concentration ;
  •    elles ne sont a priori pas dangereuses pour la santé.

Il coexiste dans la documentation à ce sujet des informations plus ou moins détaillées et étayées de données issues d’expériences scientifiques. La diversité des molécules pouvant être extraites des plantes est faramineuse et peut varier en fonction du mode d’extraction (fermentation, infusion, décoction), du solvant (eau, alcool), de l’état de la plante (jeune ou développée, découpée ou entière, fraîche ou sèche)…

Ingrédients de base et principes à respecter pour les différentes préparations

Pas n’importe quelle eau !

Pour chacune des recettes, on préfèrera l’eau de pluie. Si vous utilisez l’eau du robinet, faîtes la reposer à l’air libre pendant 3 jours afin que le chlore s’évapore. Une eau légèrement acide (pH<7) premet une meilleure extraction qu’une eau très calcaire (pH>7, dans ce cas, l’ajout de vinaigre peut permettre de corriger l’alcalinité). Vous pouvez vous procurer du papier pH pour mesurer l’alcalinité de votre eau.

Plante fraîche ou plante sèche ?

S’il est possible d’utiliser les plantes fraîches ou séchées, deux effets du séchage sont à considérer : dans la plante sèche, on trouve premièrement une plus grande concentration de principes actifs et secondement, une composition plus diversifiée en substances biochimiques synthétisées en réponse au stress oxydatif que constitue le séchage. Par conséquent, les plantes sèches sont utilisées en moindre quantité dans les différentes recettes de soins naturels et rendent ces dernières théoriquement plus efficaces.

Fragmenter les plantes…

Dans tous les cas, il est préférable de fragmenter les plantes (les hacher grossièrement au couteau ou les couper aux ciseaux) avant de les faire sécher ou de les utiliser fraîches pour produire votre soin naturel. Cela permet aux principes actifs d’être extraits par le solvant, sans quoi votre préparation risque bien d’être inefficace.

Ajout d’un « mouillant »

Même si ce n’est pas indispensable, l’ajout d’un mouillant à votre préparation dans le cas d’une pulvérisation permettra au produit de mieux adhérer aux feuilles et de recouvrir toute leur surface. Pour 10L de préparation à pulvériser, vous pouvez utiliser soit : 3 gouttes de savon liquide inodore, 1 cuiller à soupe (5 à 10 mL/L) de savon noir liquide, une cuiller à café bombée (10 g/L) d’argile blanche en poudre (kaolinite) ou 1L de lait (action fongicide).

Le matériel

Prévoyez un filtre adapté à la préparation et à l’usage que vous en ferez (par exemple : si votre préparation doit être appliquée à l’aide d’un pulvérisateur, celle-ci devra être exempt de tout résidus pouvant boucher la buse), une balance, un entonnoir, un couteau (ou une paire de ciseaux) et une planche à découper, des contenants adéquats, un thermomètre et éventuellement des gants et des vêtements ne craignant rien, surtout dans le cas des extraits fermentés dont l’odeur est persistante.

Les diverses préparations

Infusion

L’infusion se réalise en plongeant la plante (souvent 1kg de plantes fraîches ou 250 gr de plantes sèches pour 10L d’eau) dans l’eau froide portée ensuite à 80°C ou 90°C selon l’espèce. La différence avec les autres modes d’extraction est la différence de composition en principes actifs ; d’une part des acides organiques, permettant de lutter contre les insectes phytophages et maladies fongiques, et d’autre part des minéraux et des oligoéléments directement assimilables par le sol et les plantes.
L’infusion refroidie peut être utilisée après filtration et dilution ou stockée dans un récipient hermétique après une chauffe ponctuelle à 90°C, afin de ne pas dégrader les acides organiques.

Décoction

La décoction permet d’extraire les composés actifs de plantes aux tissus plus coriaces (lignification), lorsque que l’infusion ne suffit pas. Le principe est de faire tremper la plante 24 heures dans l’eau froide avant de la faire bouillir 20 minutes. Après refroidissement et filtration, la décoction est prête à être utilisée ou stockée de la même manière que l’infusion.

Extrait fermenté

Un extrait fermenté est un mélange d’eau et de plantes (en générale une seule espèce) subissant une réaction de fermentation visant à extraire des principes actifs concourant à une action délétère sur les phytophages, les maladies cryptogamiques ou bactériennes, ou bien à un effet bénéfique sur la capacité des cultures à résister aux agresseurs.

Pour préparer un extrait fermenté, il vous suffit de mélanger 1 kg de plante coupée en petits morceaux à 10 L d’eau, de préférence de pluie, dans un récipient avec couvercle. La température doit être au minimum de 13°C et ne pas dépasser 40°C pour que l’activité microbienne puisse se maintenir et les enzymes agir. Mélangez 5 à 10 minutes par jour pour favoriser le travail des micro-organismes.
Dans une première phase (longue), un cortège d’espèces microbiennes dégradera les tissus de la plante en émettant du gaz carbonique et en transformant les composés extraits, tout en consommant de l’oxygène (phase aérobie). Dans une seconde phase (courte), un second cortège de microbes prendra peu à peu le relais et transformera l’azote de la plante en ammoniac, sans utiliser d’oxygène (phase anaérobie).

Comme pour la fermentation de fruits à distiller, il est recommandé d’utiliser un fût équipé d’une bonde de fermentation (ou d’un tuyau plongeant dans de l’eau ) pour réaliser la fermentation des plantes.

À l’issue de cette seconde phase, reconnaissable à l’arrêt de formation de la mousse à la surface du mélange, vous pouvez filtrer l’extrait qui peut être utilisé immédiatement après dilution ou bien stocké dans un récipient étanche pendant 3 mois maximum.

Stockage des préparation

Qu’elle que soit la préparation et dans le cas d’un stockage, entreposez dans un lieu à l’abri de la lumière où la température est stable et situé entre 17°C et 22°C. Il se peut que les infusions et les décoctions se mettent à fermenter. Il vous suffira de laisser s’échapper le gaz carbonique en ouvrant légèrement le récipient avant de le refermer hermétiquement. Pour conserver un extrait fermenté plus de 3 mois, ajouter 5 gr/100 litres d’acide ascorbique au moment de la filtration.

Cataplasme

Pour réaliser un cataplasme, il suffit de mélanger une infusion ou une décoction (selon la plante), de l’argile blanche en poudre et de la bouse de vache (si possible de vache allaitante et élevées en bio). Vous pouvez remplacer l’argile blanche par de la terre très argileuse mais le mélange sera difficile à homogénéiser.

Dans une prochaine fiche technique, nous détaillerons quelques recettes pour fortifier son arbre ou lutter contre les maladies et ravageurs les plus courants au verger.

  • Pour en savoir plus…
– Ouvrages consultables à Vergers Vivants (F) ou à la Fondation Rurale Interjurassienne (CH) :
– Soigner les plantes par les huiles essentielles et les huiles végétales et minérales – Eric PETIOT (Ed. de Terran).
– Purin et macérations (Ed.Rustica)
– Conseils de Vergers Vivants (F) 
–  Conseil auprès des Croqueurs de pommes (F) 
–  Conseils à la Fondation Rurale Interjurassienne (CH)

Crédits photos : Semnoz.

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