Un patrimoine à préserver

La raréfaction des vergers traditionnels

Les initiatives menées par le préfet du Haut-Rhin et le maire de Montbéliard au début du 19ème siècle sont à l’origine de l’essor important du patrimoine fruitier sur le secteur de Montbéliard. Aujourd’hui encore, le pays de Montbéliard reste l’un des rares secteurs de Franche-Comté présentant une telle densité de vergers .

En 1995, un recensement des arbres fruitiers réalisé sur la commune de Vandoncourt a permis de dénombrer 7623 arbres fruitiers. 10 ans après, un second recensement révélait une diminution de 25% du nombre d’arbres fruitiers*. Une baisse importante au regard des efforts développés par cette commune pour la préservation de ce patrimoine. Ce constat peut s’étendre à l’ensemble des communes du Pays de Montbéliard (et d’une façon plus générale à l’ensemble du territoire national).
Ce ne sont pas seulement des arbres qui disparaissent, mais aussi des savoir-faire, des traditions, des paysages, une production fruitière de proximité, des moments de convivialité. La menace pèse aussi sur la biodiversité cultivée (disparition de variétés) et naturelle associée aux vergers et aux espaces agricoles.

*Études réalisées par les Croqueurs de Pommes section Franche-Comté Nord

Pourquoi le patrimoine fruitier se réduit-il ?

Les raisons de la diminution du patrimoine fruitier sont multiples :

L’urbanisation (en plein développement) :

  • de nouveaux bâtiments poussent sur les vergers.
    Avec l’industrialisation, les villes et villages s’agrandissent.
    De nombreux vergers sont rasés pour laisser place aux bâtiments industriels et commerciaux, ainsi qu’aux immeubles et maisons d’habitation.
  • l’essor des transports. Pour desservir et mettre en relation
    ces nouveaux espaces de vie, des axes de transports
    sont créés ou agrandis (routes, autoroutes…).

L’évolution des exploitations agricoles

  • la mécanisation agricole. Aujourd’hui les agriculteurs utilisent des machines agricoles beaucoup plus larges et longues permettant de gagner du temps. Ce matériel n’est pas toujours facile à manœuvrer, surtout pour contourner des arbres se trouvant au centre de la parcelle.
  • Le regroupement parcellaire. Très peu de communes du Pays de Montbéliard ont procédé à des opérations de remembrement du foncier agricole. Par contre, avec le
    développement de la mécanisation, les exploitants cherchent à regrouper les unes à côté des autres les différentes parcelles agricoles qu’ils cultivent et à en simplifier leur gestion en supprimant arbres isolés et alignements de fruitiers.
  • la Politique Agricole Commune (PAC). Créée par le traité de Rome en 1957, cette politique européenne vise à moderniser les techniques pour accroître la production
    et assurer l’autosuffisance alimentaire de l’Europe. Cette politique s’est traduite par une incitation à l’agrandissement des exploitations, à l’intensification et à la spécialisation des systèmes de productions agricoles. Cette spécialisation et le développement des transports à moindre coût a pour effet de concentrer les productions agricoles sur des secteurs géographiques où les rendements
    agronomiques seront optimisés. Les vergers traditionnels régressent alors fortement au profit des vergers intensifs.

L’évolution sociétale

Jusqu’à la moitié du 20ème siècle plusieurs générations d’une même famille vivaient sous le même toit. Certains travaillaient à l’usine ou dans les champs pour assurer un revenu financier, pendant que d’autres assuraient une autoproduction alimentaire dans le jardin et le verger. Aujourd’hui, ce schéma a beaucoup changé. Le noyau familial est dispersé. Les modes de consommation ont
considérablement évolué et ont suivi un marché modulé par les filières de production agro-industrielles, la grande distribution et la globalisation des échanges commerciaux. Si bien que pour satisfaire une envie de fruits, il est plus facile d’emprunter le chemin de la grande surface que celui du verger !

L’évolution de la réglementation sur les alcools

Certains bouilleurs de cru bénéficiaient d’un privilège leur permettant de distiller gratuitement une certaine quantité d’alcool. Ce privilège se transmettait de père en fils. Pour des raisons de santé publique et d’équité, la loi n’autorise plus la transmission de ce droit. La baisse de la consommation d’alcools forts incite également certains propriétaires à délaisser leur verger.

Le Catalogue officiel des espèces et variétés

Ce catalogue existe depuis 1932, il est géré par le Comité Technique Permanent de la Sélection (CTPS). Seules les variétés inscrites au catalogue peuvent être commercialisées, et l’inscription est payante. De ce fait, les pépiniéristes ne peuvent plus proposer des variétés locales non inscrites, et un propriétaire qui souhaite remplacer un fruitier est limité aux variétés du catalogue. Cette réglementation contribue donc indirectement, mais de façon importante, à la disparition de variétés locales au profit des obtentions récentes ou étrangères. La création de l’Association des Croqueurs de pommes a eu pour objet d’apprendre à la population à greffer elle-même ses variétés afin de s’affranchir de cette réglementation. Par ailleurs, cette association a fait inscrire une demi-douzaine de variétés locales au Catalogue Officiel du CTPS.
Pour certains, cette réglementation contribue également à la « privatisation du vivant » au détriment des plus pauvres et au profit des multinationales de l’agroalimentaire.

Pourquoi préserver le vergers du Pays de Montbéliard

Pour sa beauté

Pour sa diversité variétale

Chaque région compte plusieurs centaines de variétés. Sur l’aire urbaine Belfort, Montbéliard, Héricourt, l’association des Croqueurs de Pommes a recensé pas moins de 850 variétés de pommes , 300 de poires, 200 de prunes et 150 variétés de cerises. Une diversité variétale exceptionnelle !
En comparatif, les vergers modernes sont d’une extrême pauvreté variétale. 4 variétés de pomme totalisent 80 % de la production nationale*.
Les programmes d’amélioration génétique s’appuient généralement sur les variétés anciennes ; ils ont pour but la création de variétés plus résistantes aux parasites et mieux adaptées aux contraintes de production.
La mise en place de programmes de préservation des prés vergers, la création de vergers conservatoire, les actions des associations de Croqueurs de Pommes depuis plus de 30 ans jouent donc un rôle capital dans la conservation de ce patrimoine génétique.
*Donnée Solagro – Le pré-verger pour une agriculture durable

Pour sa diversité écologique

Le pré verger, typique du Pays de Montbéliard, est un milieu agricole particulièrement riche du point de vue de la diversité biologique. Il fait la transition entre les milieux fermés de type forêt et les milieux très ouverts : prairie, labour, … 
– La présence des arbres – en particulier des vieux arbres à cavités ou encore les arbres morts – et la pratique agricole associée offrent une palette d’habitat très diversifiée utile à un grand nombre d’espèces menacées. Les jeunes arbres pourront servir de poste de chant et plus tard, de support pour nid des oiseaux. Les écorces peuvent être le support de mousses et de lichens. Les cavités dans les troncs pourront héberger des oiseaux cavernicoles (ex. Chouette chevêche), de petits mammifères (ex. Lérot) ou certaines chauves-souris arboricoles (ex. Oreillard, Murin). Une fois mort, l’arbre abritera encore des espèces cavernicoles et saproxyliques et constituera un reposoir de choix aux rapaces. 
– La floraison massive apporte une quantité de pollen conséquente et profitable aux insectes printaniers (papillons, abeilles sauvages et domestiques, …) 
– L’importante production fruitière offre à l’automne et en hiver une source alimentaire intéressante pour les animaux (grives, chevreuils, hérissons, campagnols, renards, papillons …)

Pour sa production agricole et le maintien d’un savoir faire local

La production fruitière des vergers extensifs du Pays de Montbéliard est cohérente face aux enjeux environnementaux actuels.Située dans une Communauté d’Agglomération d’environ 120 000 habitants, cette production peut être consommée localement, ce qui limite les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES). Par ailleurs, le peu ou pas de produits phytosanitaires* et d’amendements chimiques* employés garantit des fruits meilleurs à la santé, moins émetteur de GES et une pollution limitée*. 
Souvent, l’intérêt pour les vergers ne s’est pas transmis entre les générations. Ainsi, pour préserver les vergers, il est également nécessaire de maintenir le savoir faire local.


*Vergers Vivants, dans ses vergers en gestion, n’effectue aucun traitement phytosanitaire, et n’utilise aucun fertilisant chimique. Les travaux sont effectués par des personnes en insertion (ensemblier Défi) encadrée par un technicien de l’association.

Le programme « Action Vergers », un outil de protection et de promotion du patrimoine fruitier en Franche-Comté


Conscient du constat de la disparition progressive des vergers sur son territoire, le Pays de Montbéliard Agglomération propose le programme « Action Vergers » qui vise à protéger et promouvoir le patrimoine fruitier.
Les objectifs de « ce plan de sauvetage » vise notamment à :

  • Valoriser les fruits, par la mise en place d’équipements (atelier de pressage, cuisine) pour permettre la transformation des fruits (jus, compotes, confitures, coulis,
    pâtes de fruits,..) apportés par les particuliers.
  • Sensibiliser, conseiller et former tous les publics à l’arboriculture et aux rôles des vergers.
  • Promouvoir le patrimoine fruitier, au travers de la Damassine, Maison des vergers du paysage et de l’énergie, centre ressource et pédagogique qui abrite
    des équipements de transformation, un espace muséographique et un point de vente de produits des vergers de la région.