La distillation traditionnelle (à deux passes)

La distillation est un procédé de séparation des composants d’un mélange de substances liquides dont les températures d’ébullition sont différentes* (wikipédia).
Autrement dit, la distillation est la succession d’une évaporation (chauffe) et d’une condensation (refroidissement). Quand on chauffe, les éléments vont s’évaporer du plus volatil au moins volatil. Ceci va permettre de séparer les substances selon leur température d’évaporation. Dans le cas de la distillation alcoolique, nous cherchons à séparer les alcools éthyliques des autres éléments et en particulier de l’eau.

Préambule

La méthode de distillation participe à l’obtention d’une bonne eau de vie. La qualité des fruits, la fermentation de ceux-ci (cf. Fiche technique n°8) et la finition de l’eau de vie constituent également des étapes essentielles pour produire un alcool de qualité.

1. L’évaporation

À une pression atmosphérique de 1 atm :

  •  L’eau pure bout à 100 °C
  •  L’alcool (éthanol) bout à 78,34 °C

Quand on chauffe le moût, dès qu’il atteint 78°C, les vapeurs contiennent de l’alcool et de l’eau. Ces molécules miscibles ont tendance à rester attachées les unes aux autres. Le rapport entre les deux dépend de la teneur initiale en alcool.

Par exemple, dans un mélange chauffé contenant 5 % d’alcool, les vapeurs contiennent au départ 37,5 % d’alcool seulement. Au fur et à mesure, la quantité d’alcool dans les vapeurs va diminuer et la quantité d’eau augmenter.
Il faudra donc redistiller le produit obtenu par la première distillation (appelée blanche ou flegme) pour augmenter la teneur en alcool. On parle de distillation à 2 passes.

2. La condensation

Les alambics sont équipés d’un refroidisseur pour condenser les vapeurs. Plusieurs modèles existent, le plus courant est un serpentin plongé dans un bac d’eau froide.

Quel que soit le modèle, il faut prendre deux précautions quant à la température de l’eau servant de refroidissant :

  • Trop chaude, la totalité des vapeurs ne sera pas condensée, il y aura donc une perte d’alcool.
  • Trop froide, elle peut provoquer un reflux des vapeurs dans le col de cygne et entraîner une perte d’alcool.

Le tiers supérieur du refroidisseur doit paraitre tiède au toucher. L’idéal est de posséder un refroidisseur en inox, ce qui évite l’apparition de « vert-de-gris » dans l’eau de vie.

3. La distillation fractionnée

Lors de la redistillation des produits de première passe, il n’y a pas que l’alcool qui est transformé en vapeur. D’autres constituants indésirables sont présents dans le moût. On va donc chercher à écarter ces constituants.

On va recueillir séparément les :

  • Produits de tête : ce sont les produits les plus volatils, donc les premiers à s’évaporer et à se condenser. On y trouve par exemple l’acide prussique très toxique (présent dans le noyau des fruits), des éthers, etc.
  • Produits de cœur : il s’agit de notre eau de vie consommable. On y trouve l’éthanol bien sûr, mais aussi les arômes.
  • Produits de queue : ce sont les constituants les moins volatils comme par exemple les huiles de fusel, les acides gras, l’acide acétique (constituant du vinaigre), etc.

Pratiquement, la séparation entre ces différentes molécules n’est pas parfaite et l’on trouvera des traces de certains produits de tête et de queue dans les produits de cœur.

Afin de minimiser ces éléments indésirables dans notre eau de vie, la qualité des fruits et la méthode de mise en fermentation de ceux-ci devront être irréprochables (voir fiche technique n°8). La présence de ces éléments est néfaste pour la santé et à la qualité gustative du produit.

1ère passe : distillation simple

La première passe permet une concentration des alcools. Cette concentration n’est pas suffisante pour obtenir une eau de vie. Le produit obtenu est appelé le brouillis, la blanche ou les flegmes.
Quelques éléments à respecter pour la première passe :

  • Remplir la cucurbite à 80 % max (70 % pour les cerises) pour éviter un débordement.  Si le moût est très épais, on peut y ajouter jusqu’à 20 % d’eau afin d’éviter qu’ils ne caramélisent pendant la chauffe.
  • Les 10 derniers degrés avant l’ébullition doivent être atteints lentement pour éviter la formation de mousse. Après le début de la première partie de distillation, le chauffage peut être augmenté.
  • On décide d’arrêter de distiller notre première passe selon deux critères :
    • Le % vol minimum dans le collecteur (autour de 5 % vol.)
    • Le % vol moyen des flegmes de la première passe
    • Les valeurs de référence fluctuent selon l’origine de la matière première (voir tableau ci-dessous). Si l’on « tire » trop de flegmes en fin de première passe, nous allons trop diluer notre alcool avec de l’eau et le résultat de la seconde passe sera moins intéressant.

Tableau des valeurs de concentration alcoolique selon les matières premières lors de la première passe 

Matières premières % vol. en début de 1ère passe dans le collecteur % vol. en fin de 1ère passe dans le collecteur % vol. moyenne des flegmes 1ère passe
Pommes, Poires40 à 45 % vol.3 à 5 % vol.17 à 22 % vol.
Cerises50 à 60 % vol.5 % vol.20 à 25 % vol.
Quetsches, Mirabelles, Prunes50 à 55 % vol.5 % vol.17 à 25 % vol.
Cidre50 à 55 % vol.3 à 5 % vol.18 à 25 % vol.
(valeurs tirées du Guide pratique pour une distillation traditionnelle ou moderne de Daniel HAESINGER)

A ce stade, les défauts éventuels proviennent d’une mauvaise fermentation des matières.

2ème passe : distillation fractionnée

Cette étape est décisive pour obtenir un produit de qualité. Selon le volume, on distillera 2 à 4 flegmes de la même matière première. Dans un alambic de 100 litres, il faut donc distiller théoriquement au minimum 160 litres de matières fermentées. On peut noter que le volume de la plupart des équipements municipaux ne permet pas distiller de petites quantités.

Si le volume est inférieur à 50 % de l’alambic, il faudra ajouter de l’eau, ce qui nuit au produit final.

Avant de débuter cette seconde passe, il faut bien nettoyer l’alambic : cucurbite, chapiteau, col de cygne, serpentin ou plateaux du refroidisseur. Passez leur de l’eau bouillante et frottez les avec de la cendre de bois à l’aide de tampons à récurer.

A partir de là, pour obtenir une bonne séparation des constituants de nos flegmes, il est essentiel de réaliser une chauffe lente et bien maitrisée. La coulée de notre eau de vie devra se faire en retrait du bec (voir fig.1). La patience et la bonne gestion du feu doivent faire partie des qualités du bouilleur de cru.

La séparation des produits de tête

On peut la réaliser selon deux méthodes :

  • En suivant un barème établi : on retira 0,7 litre de produits de tête pour 100 litres de moût distillé.
  • « Au nez » mais pas au hasard ! Au début de la coulée, on peut par exemple remplir de petits verres et les sentir les uns après les autres. On mettra à l’écart les verres desquels on perçoit l’odeur piquante caractéristique des produits de tête.
    Une fois ces produits de tête écartés, vous pouvez les conserver pour désinfecter vos scies et sécateurs en période de taille.

Le coeur

La distillation se poursuit, il est important de maintenir une température stable pour bien séparer les produits de cœur des produits de queue. On évitera donc les courants d’air froids, le refroidissement du chapeau (avec une toile humide par exemple), une chauffe irrégulière, etc. 
Il faudra aussi surveiller le refroidisseur pour garantir une bonne condensation de nos vapeurs (voir plus haut).
Une fois toutes ces précautions prises, nous surveillerons le degré alcoolique en sortie d’alambic pour éviter de prélever des produits de queue.

Les queues

On arrêtera notre distillation lorsque l’alcoomètre indiquera 55 % vol pour les fruits à noyaux et 50 % vol pour les fruits à pépins et fruits macérés.
Les produits de queue ont peu d’intérêt, il est toutefois possible d’en verser un peu dans les tonneaux en hivernage pour éviter le développement de moisissures.

Vous pouvez désormais goûter votre alcool et vous faire une idée de sa qualité. Il faudra encore faire preuve de patience pour laisser vieillir votre produit avant d’abaisser son volume d’alcool et le rendre ainsi prêt à la dégustation… (fiche à venir)


Pour aller plus loin…

Ouvrages consultables à Vergers Vivants (F) ou à la Fondation Rurale Interjurassienne (CH) : 
Guide pratique pour une distillation traditionnelle ou moderne – Daniel HAESINGER (Ed. JdM)Memento de la distillation moderne des fruits – A. Meyer et R. Bechler
Sites Internet : 
Fédération Nationale syndicat bouilleurs de cru eau de vie naturelleSyndicats de Bouilleurs de Cru Franche Comté – Bourgogne
Conseils à la FRIJ (CH), Vergers Vivants (F) ou au Syndicat des bouilleurs de cru du Plateau de Blamont (F)

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